Tarots, oracles et traduction
Une bonne partie des tarots actuels récents nous vient du monde anglo-saxon. Et nous sommes assez nombreux à en acquérir des versions traduites en français. Assez régulièrement, les revues de ces tarots font mention de traductions « bizarres », en précisant parfois que cela se comprend aisément par la difficulté que présente le fait même de traduire.
C’est vrai pour certains jeux tels que les tarots de Chris-Anne, par exemple, avec leurs passages poétiques et/ou rimés. Parfois aussi, des fragments entiers du jeu restent en anglais – par exemple, dans le Wandering Tarot de Cat Pierce, dont le livret a été traduit, mais pas les cartes elles-mêmes.
Mais pourquoi est-il si difficile de traduire un tarot ?
De la difficulté de traduire
En réalité, traduire un tarot n’est pas plus difficile que traduire une recette de cuisine ou le mode d’emploi d’un avion à réaction. Le problème consiste surtout à comprendre en profondeur ce qu’il faut traduire. Pour faire simple, l’ingénieur qui a conçu les plans de l’avion à réaction trouvera que la traduction de son mode d’emploi est un jeu d’enfant, parce qu’il sait exactement comment fonctionne l’avion. Normal : c’est lui qui l’a conçu.
En revanche, notre ingénieur très occupé qui ne fait jamais la cuisine et n’a donc jamais ouvert un livre de cuisine aurait toutes les peines du monde à traduire en français la recette des cookies. Parce que, même s’il est capable de trouver les mots dans un dictionnaire en ligne, il ne sait pas qu’on peut traduire – si joliment – « chop the chocolate into chips » par « détailler le chocolat en pépites ». Et s’il se contente de chercher les mots dans un dico, il risque même de traduire « chop the chocolate into chips » par « hâcher le chocolat dans les frites ». Ce qui rendra la traduction à peu près illisible pour son lecteur futur et la recette, inutilisable.
Une fois que vous comprenez ça, vous avez tout compris, c’est-à-dire que pour traduire un texte, il faut le posséder vraiment à fond. Aucun texte n’est difficile à traduire – pas même un texte poétique ou littéraire. Ce qui est difficile en traduction c’est de s’approprier le langage spécifiquement employé par l’auteur ou l’autrice du texte que vous devez traduire. Cette appropriation peut être un processus long (et parfois douloureux), mais elle se fait naturellement lorsqu’on manipule le langage concerné dans la vie quotidienne – par exemple, parce qu’on utilise des tarots tous les jours. Ou parce qu’on lit de la poésie du matin au soir. Ou qu’on adore les recettes de cookies.
Les arcanes de la traduction
Ainsi, le traducteur non averti, celui qui n’a jamais ouvert, lu, utilisé un tarot de sa vie, a toutes les peines du monde à jongler avec les termes spécialisés, et encore plus de peine à employer ces termes dans deux langues différentes en passant d’une langue à l’autre.
Par exemple, vous qui connaissez le tarot, comment appelle-t-on la série des 22 cartes principales du jeu ? Les arcanes majeurs, tout à fait. Et comment dit-on « les arcanes majeurs » en anglais ? « Major arcana ». Et comment un traducteur ne connaissant pas le tarot comme vous et moi traduirait-il ce terme ? « L’arcane majeur ».
« Les 22 cartes de l’Arcane majeur », c’est une formulation que l’on peut rencontrer assez facilement dans les livrets des tarots traduits depuis l’anglais. Et cette traduction nous parait « bizarre », parce qu’en français comme en anglais, on parle habituellement des « arcanes majeurs », au pluriel, pour désigner la suite des atouts du tarot, numérotés de 0 à XXI ou ou de I à XXII/0 selon l’usage et la tradition. A votre avis, une personne qui n’a jamais eu de tarot divinatoire entre les mains a-t-elle conscience de ces subtilités ? Pas sûr du tout. Revenons à nos arcanes.
En anglais, « major arcana » est un pluriel, mais il n’en prend pas la marque courante, le S que nous connaissons aussi en français. « Arcana » sans S en anglais se traduit donc en français par « arcanes », au pluriel, avec un S. C’est le genre de détail que l’on absorbe sans même y penser quand on a l’habitude d’utiliser le tarot. Un détail pouvant aisément passer inaperçu aux yeux du traducteur qui ne pratique le tarot et ses arcanes qu’occasionnellement – au moment de traduire un livret, et jamais en dehors de son activité professionnelle.
Donc, j’enfonce le clou, je me répète bien lourdement : la traduction d’un oracle ou d’un tarot n’est pas difficile. Quand la traduction d’un tarot vous parait bizarre, c’est que le traducteur ne connaissait pas le tarot comme vous le connaissez : en vrai.e passionné.e.
Tarots, oracles et traduction
Une bonne partie des tarots actuels récents nous vient du monde anglo-saxon. Et nous sommes assez nombreux à en acquérir des versions traduites en français. Assez régulièrement, les revues de ces tarots font mention de traductions « bizarres », en précisant parfois que cela se comprend aisément par la difficulté que présente le fait même de traduire.
C’est vrai pour certains jeux tels que les tarots de Chris-Anne, par exemple, avec leurs passages poétiques et/ou rimés. Parfois aussi, des fragments entiers du jeu restent en anglais – par exemple, dans le Wandering Tarot de Cat Pierce, dont le livret a été traduit, mais pas les cartes elles-mêmes.
Mais pourquoi est-il si difficile de traduire un tarot ?
De la difficulté de traduire
En réalité, traduire un tarot n’est pas plus difficile que traduire une recette de cuisine ou le mode d’emploi d’un avion à réaction. Le problème consiste surtout à comprendre en profondeur ce qu’il faut traduire. Pour faire simple, l’ingénieur qui a conçu les plans de l’avion à réaction trouvera que la traduction de son mode d’emploi est un jeu d’enfant, parce qu’il sait exactement comment fonctionne l’avion. Normal : c’est lui qui l’a conçu.
En revanche, notre ingénieur très occupé qui ne fait jamais la cuisine et n’a donc jamais ouvert un livre de cuisine aurait toutes les peines du monde à traduire en français la recette des cookies. Parce que, même s’il est capable de trouver les mots dans un dictionnaire en ligne, il ne sait pas qu’on peut traduire – si joliment – « chop the chocolate into chips » par « détailler le chocolat en pépites ». Et s’il se contente de chercher les mots dans un dico, il risque même de traduire « chop the chocolate into chips » par « hâcher le chocolat dans les frites ». Ce qui rendra la traduction à peu près illisible pour son lecteur futur et la recette, inutilisable.
Une fois que vous comprenez ça, vous avez tout compris, c’est-à-dire que pour traduire un texte, il faut le posséder vraiment à fond. Aucun texte n’est difficile à traduire – pas même un texte poétique ou littéraire. Ce qui est difficile en traduction c’est de s’approprier le langage spécifiquement employé par l’auteur ou l’autrice du texte que vous devez traduire. Cette appropriation peut être un processus long (et parfois douloureux), mais elle se fait naturellement lorsqu’on manipule le langage concerné dans la vie quotidienne – par exemple, parce qu’on utilise des tarots tous les jours. Ou parce qu’on lit de la poésie du matin au soir. Ou qu’on adore les recettes de cookies.
Les arcanes de la traduction
Ainsi, le traducteur non averti, celui qui n’a jamais ouvert, lu, utilisé un tarot de sa vie, a toutes les peines du monde à jongler avec les termes spécialisés, et encore plus de peine à employer ces termes dans deux langues différentes en passant d’une langue à l’autre.
Par exemple, vous qui connaissez le tarot, comment appelle-t-on la série des 22 cartes principales du jeu ? Les arcanes majeurs, tout à fait. Et comment dit-on « les arcanes majeurs » en anglais ? « Major arcana ». Et comment un traducteur ne connaissant pas le tarot comme vous et moi traduirait-il ce terme ? « L’arcane majeur ».
« Les 22 cartes de l’Arcane majeur », c’est une formulation que l’on peut rencontrer assez facilement dans les livrets des tarots traduits depuis l’anglais. Et cette traduction nous parait « bizarre », parce qu’en français comme en anglais, on parle habituellement des « arcanes majeurs », au pluriel, pour désigner la suite des atouts du tarot, numérotés de 0 à XXI ou ou de I à XXII/0 selon l’usage et la tradition. A votre avis, une personne qui n’a jamais eu de tarot divinatoire entre les mains a-t-elle conscience de ces subtilités ? Pas sûr du tout. Revenons à nos arcanes.
En anglais, « major arcana » est un pluriel, mais il n’en prend pas la marque courante, le S que nous connaissons aussi en français. « Arcana » sans S en anglais se traduit donc en français par « arcanes », au pluriel, avec un S. C’est le genre de détail que l’on absorbe sans même y penser quand on a l’habitude d’utiliser le tarot. Un détail pouvant aisément passer inaperçu aux yeux du traducteur qui ne pratique le tarot et ses arcanes qu’occasionnellement – au moment de traduire un livret, et jamais en dehors de son activité professionnelle.
Donc, j’enfonce le clou, je me répète bien lourdement : la traduction d’un oracle ou d’un tarot n’est pas difficile. Quand la traduction d’un tarot vous parait bizarre, c’est que le traducteur ne connaissait pas le tarot comme vous le connaissez : en vrai.e passionné.e.